Tendez l’oreille : Comment réaliser l’aménagement du poste de travail d’une personne malentendante ?

Bienvenue dans ce nouvel épisode de « Tendez l’oreille » consacré aux conditions de travail pour les personnes malentendantes.

Quand on prend un mot pour un autre, que quelquefois on comprend mal un chiffre, ou alors qu’on a des difficultés en milieu bruyant, dans des réunions bruyantes, on peut avoir l’impression d’être moins performant dans son travail. Est-ce vraiment une fatalité ? Non.

Aujourd’hui, j’ai invité Valérie, qui a vécu ces situations, à témoigner et à nous expliquer ce qu’elle a vécu.

Isabelle
Bonjour Valérie.

Valérie
Bonjour Isabelle.

Isabelle
Vous avez vécu ces situations. Est-ce que vous pouvez nous en parler ?

Valérie
Oui, j’ai vécu ces situations, et notamment des moments où j’avais tellement de difficultés à comprendre, où je demandais à ce qu’on m’écrive plutôt qu’à ce qu’on me parle, parce que j’avais un manager qui n’articulait pas, parce qu’on parle aux gens comme on parle à un entendant, c’est-à-dire dans le dos, sans vraiment s’occuper de la bouche de la personne, et on se rend compte qu’on ne comprend plus. C’est-à-dire qu’on est décalé, on prend des syllabes pour une autre syllabe, et c’est à partir de là que j’ai fait appel à la médecine du travail, et puis que j’ai enclenché tout le process MDPH, le process AGEFICE, et cetera pour être appareillée.

Mais c’est une difficulté parce qu’il faut arriver, à un moment, à accepter qu’on est handicapé. Et quand on a 40 ans, on se dit, on va être sourd, c’est une maladie de vieux. Et bien non, ce n’est pas une maladie de vieux, c’est une maladie qui peut arriver à n’importe qui, à n’importe quel âge.

Isabelle
Qui touche tout le monde.

Valérie
Voilà. Et puis on essaie toujours de se dire qu’on va reculer le moment, alors qu’en fait, on sait aussi qu’aujourd’hui, toute ouïe qui est perdue ne revient pas. Donc le plus tôt on est appareillé, le plus tôt on prend ça en charge et on l’accepte, et le mieux, on peut poursuivre sa vie sociale et professionnelle.

Isabelle
Ok. Donc vous vous êtes fait appareillée, et après, on a aménagé votre poste de travail pour que ça soit plus confortable.

Valérie
Oui, parce qu’en fait c’est vrai que le premier appareillage, c’était merveilleux parce qu’on retrouve des sons qu’on avait oubliés, par exemple les oiseaux, même dans la rue, des fois c’était compliqué. Je suis revenue vous voir pour que vous adaptiez mon appareillage parce que j’entendais des bruits que je n’entendais plus depuis si longtemps, et c’était presque envahissant.

Isabelle
Oui, vous avez redécouvert des choses.

Valérie
Oui et au travail c’était super, M. Humbert était même venu faire une démonstration à mes collègues pour leur expliquer ce que c’était d’être sourd, ce qu’on entendait, ce qu’on n’entendait pas, les gens étaient même étonnés parce qu’ils ne pensaient pas que c’était à ce point-là.
Et puis, la chance que j’ai, c’est de travailler dans une entreprise où le handicap est vraiment soutenu, donc j’avais l’appareillage et après, il a fallu passer à des outils plus performants, adaptés, c’est-à-dire le téléphone en Bluetooth, des micros.

Avec la Covid, on a un peu oublié les réunions en présentiel, et on est passé sur du distanciel. Et le distanciel, c’est un micro avec des salles connectées ensemble. Vous ne comprenez pas toujours ce qu’on vous dit et avec ces micros et ces Rodger, je peux suivre une réunion à distance, je peux être présente dans la réunion.
Avant cela, je faisais un peu acte de présence. Je n’étais pas participante, je n’étais pas active et actrice, j’étais spectateur.

Isabelle
Vous vous êtes senti soutenue par votre entreprise.

Valérie
Oui.

Isabelle
Est-ce que vous auriez un conseil à donner à un manager qui hésiterait à employer une personne malentendante ?

Valérie
Alors, j’ai un manager qui ne comprend pas toujours quand je lui dis : « Articule quand tu me parles », ou « Parle plus fort, ou parle-moi en face ».

Isabelle
Il faut apprendre aux gens à parler et c’est vrai que les gens ont quelquefois du mal. Comme vous vous êtes appareillée, il peut sembler que vous entendiez complètement normalement, ce qui n’est pas le cas, et malheureusement, il reste des difficultés, et c’est vrai que c’est important de parler correctement à un malentendant, d’être en face de lui, d’essayer de parler lentement et d’articuler, ce qui n’est pas toujours le cas dans la vie de tous les jours.

Valérie
Non, parce que les gens pensent que l’appareillage c’est une forme de miracle en fait. Et ce qu’ils ne comprennent pas, c’est qu’il y a des problèmes à ce niveau-là. C’est par exemple, des gens qui crient et en s’imaginant que, parce que vous êtes sourd, vous allez mieux les comprendre. Alors qu’il faut savoir qu’un sourd appareillé sur qui on crie, il va avoir tendance à partir en courant.

Isabelle
Ça déforme la voix ?

Valérie
Oui, et puis cela amplifie. Donc, ce qu’un entendant ne supporte pas, un malentendant ne le supporte pas du tout. Mais moi, chaque jour, je remercie mon entreprise, la technicité, la disponibilité de mon collègue, parce que, quand il y a un souci, un problème de réglage, ce sont des choses auxquelles ils doivent s’adapter.

Il faut savoir que, être malentendant, cela entraîne des difficultés logistiques. Par exemple, il me faut un bureau seule, il ne faut pas que j’ai de climatisation au plafond parce qu’au niveau du larsen c’est quelque chose qui est terrible. Il faut expliquer aux gens pourquoi j’ai un bureau seule, alors qu’eux sont dans des open space, ou ont été regroupés. Il faut expliquer que moi, je ne peux pas participer à des réunions en amphithéâtre par exemple, où il y a 200 personnes. Pour moi, c’est juste insupportable.

C’est beaucoup de communication, beaucoup d’explications, beaucoup de justifications, mais, au-delà de cela, cela aide vraiment, c’est indispensable. C’est-à-dire que, autant professionnellement que personnellement, aujourd’hui, on me dirait de retirer mon appareillage, on me retire mes micros, on me retire tout ça, ce n’est pas possible.

Isabelle
Alors vos oreilles sont uniques, c’est vrai qu’elles sont importantes, il faut les protéger.

Merci Valérie d’avoir été présente à cet épisode de « Tendez l’oreille » et à très bientôt.

Merci d’avoir suivi cette interview et à bientôt pour un prochain épisode de « Tendez l’oreille » !

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