La compression de la musique est une technique couramment utilisée dans l’industrie musicale pour équilibrer le volume sonore des enregistrements, c’est-à-dire le fait de diminuer l’écart de niveaux entre les sons forts et les sons faibles, et pour réduire la taille des fichiers de données sonores. Cependant, cette pratique soulève des préoccupations croissantes concernant ses effets potentiels sur l’audition. Dans cet article, nous explorerons ce qu’est la compression de la musique, comment elle fonctionne, et pourquoi elle pourrait constituer un risque pour votre santé auditive.
Qu’est-ce que la compression en musique ?
La pratique de la compression sonore est désormais omniprésente, que ce soit à la radio, à la télévision, dans les salles de concert, sur les consoles de jeux vidéo, ou même sur certains services de streaming musical.
La compression de la musique fait référence à l’utilisation de processeurs audio pour réduire la gamme dynamique d’un enregistrement. La gamme dynamique est la différence entre les sons les plus doux et les plus forts d’une piste audio.
En réduisant cette différence, la compression permet de rendre les parties plus silencieuses plus audibles et les parties plus fortes moins percutantes. Cette technique permet une expérience d’écoute qui s’adapte facilement à divers dispositifs, évitant ainsi la nécessité constante de régler le volume.
Qu’est-ce qu’un taux de compression : ratio, MP3, AAC et OGG ?
Le taux de compression de la musique fait référence à la réduction de la taille des fichiers audio sans trop compromettre la qualité sonore. Il est généralement exprimé en termes de ratio de compression, par exemple 2:1 ou 10:1, ce qui signifie que le fichier compressé est deux ou dix fois plus petit que le fichier original.
Il existe différents algorithmes de compression audio, tels que MP3, AAC, et OGG, qui utilisent des techniques comme la suppression des données redondantes ou non audibles pour réduire la taille du fichier.
Pourquoi compresser un audio ?
La compression de la musique est une technique essentielle dans le traitement audio qui vise à réguler la dynamique sonore d’un enregistrement.
Dans le cas des fichiers MP3, par exemple, le but principal de la compression est la réduction du volume de stockage. Pour cela, on supprime tous les éléments « inaudibles » à l’oreille humaine. Or, parmi ces fréquences supprimées, on trouve notamment les harmoniques des notes « audibles ». Ces harmoniques, même si elles ne sont pas « audibles », contribuent à enrichir la note fondamentale et à lui donner un effet de volume. Pour restituer cet effet de volume sans les harmoniques, il faut donc amplifier davantage la note fondamentale.
Par conséquent, pour une sensation auditive comparable, la musique compressée, par rapport à la même musique non compressée, sollicite davantage une zone plus restreinte de la cochlée, ce qui entraîne des dégâts plus importants.
La compression de la musique repose sur un algorithme sophistiqué qui ajuste automatiquement le volume des différentes parties de l’enregistrement pour garantir une plage dynamique maîtrisée et uniforme :
- Seuil (Threshold) : ce paramètre détermine le niveau de volume à partir duquel la compression commence à s’appliquer. Lorsque le volume dépasse ce seuil, la compression entre en action pour réguler les pics de volume.
- Ratio : le ratio indique le taux de compression qui sera appliqué une fois que le seuil est dépassé. Par exemple, un ratio de 4:1 signifie que pour chaque 4 décibels au-dessus du seuil, seulement 1 décibel sera ajouté au signal de sortie. Plus le ratio est élevé, plus la compression est intense.
- Attack : ce paramètre définit le temps que prend la compression pour se déclencher après que le seuil a été dépassé. Un réglage plus court de l’attaque permet à la compression d’agir rapidement, ce qui peut être utile pour contrôler les transitoires ou les pics de volume soudains.
- Release : le temps de relâchement spécifie combien de temps la compression prend pour revenir à son état normal une fois que le signal audio est retombé en dessous du seuil. Un réglage plus court de la release signifie que la compression revient à son état normal plus rapidement, tandis qu’un réglage plus long peut créer un effet de fondu plus doux.
En ajustant ces paramètres, les ingénieurs du son peuvent façonner le caractère sonore d’un enregistrement, contrôler sa dynamique et garantir une expérience d’écoute cohérente et agréable pour l’auditeur.
Comment compresser un fichier de musique ?
Pour compresser de la musique, les ingénieurs du son ont recours à des outils tels que des compresseurs matériels ou des plug-ins logiciels intégrés à leur station de travail audio numérique (DAW). Une fois l’outil sélectionné, ils insèrent le compresseur sur la piste audio qu’ils souhaitent traiter.
En ajustant des paramètres tels que le seuil (threshold), le ratio, l’attaque et le relâchement, ils contrôlent la dynamique sonore de la musique (cités précédemment). Après avoir ajusté ces paramètres, les ingénieurs appliquent un make-up gain pour compenser toute perte de volume et maintenir un niveau sonore homogène.
Cette technique de compression lisse les pics de volume, met en valeur certains éléments sonores et garantit un mixage professionnel et équilibré.
Les effets de la compression sur l’audition
Dans l’étude intitulée « Impact des sons compressés sur l’audition », menée en 2021/2022 par l’INSERM et l’université de Clermont Auvergne, pour évaluer l’impact des sons compressés sur l’audition, des chercheurs ont exposé 90 cochons d’Inde à de la musique pendant plusieurs heures.
Ces animaux possèdent un système auditif similaire à celui des humains. Une partie du groupe écoutait de la musique avec une plage dynamique compressée, tandis que l’autre partie écoutait de la musique sans compression. La sélection musicale était variée, comprenant de la pop, du classique et de l’électro, afin de couvrir un large éventail de préférences et de ne pas biaiser les résultats avec un seul genre musical.
Il est apparu que l’écoute de musique compressée entraînait une fatigue auditive qui persistait pendant plus de 48 heures chez les cobayes. Bien qu’aucun d’entre eux n’ait subi de perte auditive ou de dommages irréversibles, les muscles protecteurs internes de l’oreille étaient affaiblis.
Le professeur Paul Avan, directeur du Centre de recherche et d’innovation en audiologie humaine, explique ce phénomène par l’absence de moments de silence dans les sons compressés. Les nuances, les pauses et même les brefs instants de silence font défaut. Le système auditif est constamment sollicité, sans possibilité de récupération. C’est un peu comme fixer un point sans jamais fermer les yeux.
Le Label Qualité Sonore
Suite aux conclusions de cette étude, le projet de label « Qualité Sonore » a été initié par des chercheurs et acousticiens et sera officiellement présenté à l’UNESCO en janvier 2025, lors de La semaine du son.
Le label « Qualité Sonore » devrait permettre de sensibiliser l’industrie du disque ainsi que tous les acteurs de la reproduction audiovisuelle, allant de la radio et de la télévision aux plateformes de streaming, sur les risques auditifs associés à la surcompression de la musique. Il vise aussi à encourager des normes de production audio respectueuses de la santé auditive des auditeurs, tout en promouvant une expérience d’écoute enrichissante et sûre.
Cette initiative reconnaît que ces risques constituent un problème de santé publique auquel sont confrontés les médecins généralistes et les spécialistes ORL en première ligne.
Conséquences de la compression de la musique
Bien que la compression de la musique puisse améliorer l’expérience d’écoute en milieu bruyant et rendre la musique plus accessible sur divers dispositifs, elle présente aussi des inconvénients potentiels pour l’audition :
- Fatigue auditive : écouter de la musique compressée à des volumes élevés pendant de longues périodes peut entraîner une fatigue auditive. La réduction de la gamme dynamique signifie que les sons sont constamment à un volume élevé, ce qui peut être épuisant pour l’oreille humaine.
- Perte auditive : une exposition prolongée à des sons compressés et amplifiés peut causer des dommages auditifs permanents. Les sons forts constants peuvent endommager les cellules ciliées de l’oreille interne, entraînant une perte auditive irréversible.
- Perte de nuances : la compression excessive peut également supprimer les nuances subtiles de la musique, rendant l’expérience d’écoute moins riche et moins dynamique. Cela peut affecter la façon dont nous percevons et apprécions la musique, mais aussi la parole, et pourrait même avoir un effet sur notre façon de nous exprimer (modulations de la voix).
Mesures de prévention face à la musique compressé
Pour minimiser les risques associés à la compression de la musique, voici quelques conseils pratiques :
- Modérez le volume : évitez d’écouter de la musique à des volumes très élevés, surtout avec des écouteurs ou des casques.
- Prenez des pauses : faites des pauses régulières pour permettre à vos oreilles de se reposer, surtout si vous écoutez de la musique pendant de longues périodes.
- Utilisez des appareils de qualité : investissez dans des écouteurs ou des casques de qualité qui offrent une bonne isolation sonore. Cela vous permettra d’écouter à des volumes plus bas sans sacrifier la qualité sonore.
Peut-on écouter de la musique non compressée ?
Lorsqu’un morceau musical n’est pas compressé, il est généralement au format WAV, qui offre une qualité audio haute définition en conservant toutes les fréquences. Le seul format de compression sans perte est le FLAC (Free Lossless Audio Codec)… Deux formats très lourds.
La compression de la musique est un outil précieux pour les producteurs et les ingénieurs du son, mais elle n’est pas sans risques pour l’audition des auditeurs. En étant conscients des effets potentiels et en prenant des mesures pour protéger votre audition, vous pouvez continuer à profiter de votre musique préférée sans compromettre votre santé auditive !